«La force des femmes» de Denis Mukwege
Prix Nobel de la Paix 2018 - il est « l'Homme qui répare les femmes ».
Un combat personnel qui rejoint celui des femmes
Surnommé « l’homme qui répare les femmes », depuis plus de vingt ans, Denis Mukwege, chirurgien-gynécologue, soigne avec son équipe les femmes victimes de violences sexuelles. Elles sont nombreuses dans son pays, la République démocratique du Congo (RDC), en proie à des conflits armés et au pillage. Les récits de femmes dont le vagin a été violé, brûlé, frappé, troué, poignardé, criblé, abîmé par des hommes, provoque un réel malaise. Le médecin découvre que les mutilations génitales et les viols sont des armes de guerre. Les soldats insèrent leur fusil dans le vagin de leurs victimes avant d’y tirer des balles et leur transmettent volontairement le VIH. Les mutilations infligées rendent ces femmes stériles et parfois incapables de maîtriser leurs urines ou leur défécation. Celles qui osent retourner dans leur famille ou auprès de leur mari sont répudiées. Ce sont elles les « coupables ».
Des monstruosités répétées
Parfois au péril de sa vie, il est chaque jour confronté aux monstruosités des violences sexuelles. Dès 1999, il fonde à Bukavu, un hôpital dans lequel il promeut une approche globale de la prise en charge : médicale, psychologique, socio-économique et légale.Écrit à la première personne, « La force des femmes » retrace le combat de toute une vie. L’auteur rend un véritable hommage à leur courage, leur lutte. Pour lui, il s’agit d’une lutte mondiale : « C’est vous, les femmes, qui portez l’humanité ». Ainsi, à travers le récit d’une vie consacrée à la médecine, Denis Mukwege nous raconte le fléau qui ravage son pays et nous invite à repenser le monde. « La force des femmes » clame que la guérison et l’espoir sont possibles pour toutes les survivantes.
Quel est son parcours?
Denis Mukwege a 8 ans quand il accompagne son père, pasteur, qui prie pour guérir les enfants malades de son village. Cela le fait réagir. Son père, non médecin, ne peut prescrire des médicaments. Lui, veut le faire et devient médecin. Le Nobel se raconte avec humilité. « Je n’ai pas été admis en études de médecine dans mon pays et, à mon immense déception, je me suis vu refuser plusieurs bourses pour partir à l’étranger ». Cela, probablement à cause de la couleur de sa peau ». Il s’installe en France, à 29 ans et suit une spécialisation en gynécologie à Angers. Ses confrères français, travaillant dans le luxe des moyens sanitaires, apprennent médusés qu’il opère à la lampe torche. Il refuse de participer à la « fuite des cerveaux » qui saigne l’Afrique. Cinq après son arrivée en France, alors que le Congo « va de crise en crise », il y retourne pour, dit-il, ne pas abandonner son « idéal ». Son prix Nobel aurait pu avoir plus d’impact pour l’évolution des mentalités: c’est un peu une déception.
Gallimard – Octobre 2021